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Bulletin d'information n° 32, du 30 novembre 1999
Le scandale de la corruption à Wall Street : Une enquête sénatoriale a couvert une gigantesque opération de blanchiment d'argent qui cachait et transformait couramment des trillions* de dollars sales.
Exclusif pour « The Spotlight », par Martin Mann
Le Congrès avait inscrit une série d'auditions à propos de blanchiment d'argent le mois dernier, mais il les a ajournées dès le deuxième jour, apparemment effrayé par ce qui se dévoilait. Ce que les chercheurs ont déterré correspondait à un vaste monde financier de la pègre dans lequel les principales banques de Wall Street accumulaient de façon routinière des trillions de dollars de clients dégoûtants venus des pires bas-fonds de la planète.
Dirigés par la Chase Manhattan Bank, le vaisseau amiral de l'empire Rockefeller, la plupart des centres financiers américains maintiennent ce qu'ils appellent des « aménagements bancaires » pour des clients particuliers disposant d'au moins 1 million de dollars en liquide à mettre à l'ombre. « Des banquiers privés satisfont la volonté de clients qui ne veulent pas seulement mettre leur argent à la banque mais surtout le cacher », comme dit Axel Immern, conseiller privé en investissements. Il est fréquent qu'à New York le banquier privé satisfasse cette nécessité en montant une « compagnie d'investissement privé » (CIP) pour son client dans une région tranquille comme les Iles Caïmans où la gestion secrète de l'argent est protégée par la loi. Une CIP est façade, une simple coquille offshore. Son propriétaire enregistré est une autre société du même genre basée au Panama ou en Suisse. Le banquier privé de New York contrôle les deux façades. Le nom du possesseur réel de l'argent est désormais complètement protégé de contrôleurs zélés, de collecteurs d'impôts ou - plus important encore - d'enquêteurs criminels. Les banques appellent de tels montages des « comptes fiduciaires ». Le nom du déposant n'apparaît même pas dans les propres comptes de la banque privée, où il est simplement listé sous un code tels que CC (client confidentiel) 2201. Celui-ci fut par exemple le code utilisé par Amy Elliott (native de Cuba et vice-présidente de la division privée de la Citybank) pour cacher les 100 millions $ ou à peu près, issus de pots de vins et autres tripatouillages, déposés par Raoul Salinas, le frère de l'ancien président du Mexique, Carlos Salinas. La Citybank s'est également arrangée pour que l'argent sale apporté par Salinas soit lavé dans ses propres comptes offshore. Ceci s'opère grâce à ce que l'on appelle des « transferts concentrés » dans lesquels l'argent du client est mêlé aux propres fonds de la Citybank. Cela rend pratiquement impossible la traque de tels comptes, soulignait Mme Elliott dans sa déposition devant le sous-comité du Sénat que présidait le sénateur Susan Collins (Rép.-Maine). Que Raoul Salinas purge une peine de prison au Mexique et soit en examen pour de nombreux autres crimes ne change rien à l'affaire, a souligné Mme Elliott au comité. « Sachez que sur les sept ou huit "CIP" que j'ai dirigé à la Citybank, celui de Salinas était non seulement loin d'être le plus important, mais que c'était même l'un des plus petits et des moins actifs. » Le patron de Mme Elliott, Edward Montero, a affirmé dans son témoignage que sa banque contrôlait quelques 40.000 comptes privés secrets. « Et quel montant ces comptes représentent-ils ? Si, comme le suggère Mme Elliott, nombre d'entre eux disposent de plus de 100 millions de $ et sont plus actifs que les 100 millions de $ appartenant à la famille Salinas, nous parlons de centaines de milliards de dollars en fonds furtifs », précise le journaliste financier Bodo Thalmann. En fait, l'OCDE dans une évaluation non publiée estime que les banques privées de Wall Street cachent ainsi la somme ahurissante de 21,5 trillions* de dollars dans ces dépôts détournés et « désodorisés ».
Pourquoi ?
Pourquoi une telle richesse souterraine ? Les dirigeants de la Citybank n'ont pu fournir à l'audition du Sénat que des explications boiteuses et imprécises, arguant que quelques clients très influents craignaient d'être « enlevés » ou « extorqués » si leurs richesses étaient affichées publiquement. « C'est un non-sens », s'est exclamé Thalmann, « un si grand secret n'est pas fait pour cacher une quelconque richesse à des 'kidnappers' mais bien pour cacher ces trillions à la loi. »
La commission du Sénat sur le blanchiment d'argent a finalement craint d'explorer plus avant des faits potentiellement explosifs. Mais notre journal poursuivra ses investigations à propos de cet ahurissant mystère financier qui a déjà abouti à ce que l'on dérobe des trillions de dollars aux contribuables. _____________________
* 1 trillion = 1000 milliards et 1 dollar US = 6,56 francs
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